20% des Américains sont responsables de 46% des émissions de gaz à effet issus de l’alimentation aux États-Unis

Dernière mise à jour : 23 mars 2018

Une étude publiée le 20 mars 2018 dans Environmental Research Letters montre l’importance des régimes alimentaires sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la demande en énergie non-renouvelable. L’équipe de chercheurs dirigée par Martin Heller de l’Université du Michigan est arrivée à la conclusion que 20% des régimes alimentaires américains était responsable de 46% des émissions de GES aux États-Unis. De plus, le groupe de régimes ayant l’impact le plus élevé est responsable de 8 fois plus d’émissions que le groupe ayant le moins d’impact. 72% des émissions du 1er groupe provient de la consommation de bœuf, contre 27% pour le groupe avec le moins d’impact. Sur la population totale, la viande représente 57% de l’impact carbone des régimes alimentaires, les laitages 18% et les boissons 6%. Cette étude est la première aux États-Unis à s’intéresser à l’impact de régimes alimentaires au niveau individuel (i.e. de personnes spécifiques), et non de régimes « moyens » (ex. carné, végétarien, etc.).

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Chaque ton de brun représente une catégorie de régime alimentaire. Celles-ci sont classées selon leur impact carbone de manière croissante. Les aires sous la courbe sont proportionnelles à l’impact de chaque catégorie. Le chiffre au-dessus de chaque catégorie donne la proportion des émissions de cette catégorie en fonction du total de la population. La zone verte en bas à droite indique l’impact de la catégorie 5 si la population impliquée devait avoir un impact égal à la moyenne nationale.

Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont utilisé une base de données publique (National Health and Nutrition Examination Survey 2005-2010) et un échantillon représentatif au niveau national de 16,800 personnes. En tout, 6492 aliments et recettes ont été pris en compte. Les régimes sont ceux de chaque personne sur une journée, selon ce dont ils se souvenaient (voir suite à propos des critiques sur cette étude). Afin d’évaluer l’impact des différents régimes, ceux-ci ont été regroupés en 5 catégories selon leur impact carbone. Pour quantifier l’impact carbone de chaque régime, les auteurs ont passé en revue la littérature portant sur les analyses de cycle de vie (LCA, Life Cycle Assessment) des aliments considérés.

Dans leurs résultats, les chercheurs notent l’importance de l’impact de la viande et des laitages sur les émissions de GES. Alors que la moyenne des émissions est de 4,7 kgCO2eq/personne/jour (et 25 MJ/personne/jour de demande en énergie non-renouvelable), 80,6% des émissions de GES de la catégorie « viande » provient du bœuf, 9,5% de la volaille et 8,5% du porc. Les auteurs notent avec intérêt l’impact d’une catégorie souvent peu mise en avant en matière d’impact environnemental, celle des boissons. Leur contribution est de 5,9% avec un fort impact – 33% de la catégorie – des jus de fruits et légumes, suivis du café (20%) et de la bière (19%).

Il est à noter que même en ajustant les résultats aux différences quantitatives de consommation alimentaire – 2984 kcal par personne dans le groupe à haut impact carbone, contre 1323 pour le groupe à bas impact – le groupe à haut impact carbone serait toujours responsable de 5 fois plus d’émissions de GES que le groupe à bas impact (contre 8 fois plus sans ajustement). Ainsi, si les 20% d’Américains ayant le plus fort impact carbone via leur alimentation changeaient de régime pour s’aligner sur la moyenne nationale, cela correspondrait à 10% des réductions d’émissions que les États-Unis ont décidés pour respecter l’Accord de Paris sur le climat.

Malgré une forte concordance avec les résultats du reste de la littérature sur le sujet, les auteurs pointent certains éléments critiques à l’égard de leur propre étude. En effet, l’utilisation de données individuelles peut mener à sous-estimation des quantités consommées ainsi qu’à une moindre consistance des données qu’en utilisant des chiffres sur une alimentation dite type. De plus, les sources utilisées prennent en compte l’impact de la production mais pas de la transformation/préparation des aliments (ex. emballage). Si ce dernier point étant pris en compte, les auteurs estiment que l’impact total de l’alimentation serait majoré de 27% environ. Par ailleurs, certaines caractéristiques des aliments n’étaient pas prises en compte dans les études de LCA utilisées, même celles pouvant avoir un impact non-négligeables sur les données finales, comme les modes de culture (ex. sous serre chauffée, méthode biologique) et le lieu de culture.

Il s’agit malgré tout d’une étude solide, claire et transparente qui met en avant le fort impact de l’alimentation sur le climat. Afin d’améliorer la portée sociale de tels résultats – mais ce n’était pas le but de l’étude–, il aurait été toutefois judicieux de lier les régimes alimentaires individuels aux catégories sociales (i.e. revenus) dans le but de mesurer les inégalités d’accès à certains aliments (que ce soit par manque de moyens ou de connaissances) que l’on peut deviner.

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Sources :

– Papier original : Martin C Heller, Amelia Willits-Smith, Robert Meyer, Gregory A Keoleian, Donald Rose (2018) Greenhouse gas emissions and energy use associated with production of individual self-selected US diets. Environmental Research Letters; 13 (4): 044004 DOI: 10.1088/1748-9326/aab0ac

– Report dans la presse : https://www.sciencedaily.com/releases/2018/03/180320100821.htm

N.B. : Les figures et tableaux reportées dans cet article sont issues du papier original de Heller et al (2018)